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Les anciens élèves des pensionnats peuvent composer le 1-866-925-4419 pour obtenir des services de référence en cas de crise émotionnelle et de l'information sur d'autres services de soutien en santé offerts par le gouvernement du Canada.
La Ligne d'écoute d'espoir pour le mieux-être est également disponible et offre des services de counseling et d'intervention en cas d'urgence aux Autochtones du Canada, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Pour joindre la ligne d'écoute, composez sans frais le 1-855-242-3310 ou connectez-vous au clavardage en ligne à espoirpourlemieuxetre.ca.
Texte à l'écran :
Avancer vers la réconciliation
Le traitement des préjudices du passé et la guérison
Jessie Sylvestre est une locutrice de la première langue dénée de la Buffalo River Dene Nation
Jessie Sylvestre, docteure en éducation
Buffalo River Dene Nation ejeredeséche,
Saskatchewan
Jessie Sylvestre :
Je m'appelle Jessie Sylvestre. Je viens de la Buffalo River Dene Nation. (Parlant la langue dénée). Mon nom cérémoniel autochtone est Warrior Woman. C'est ce que je viens de traduire.
Texte à l'écran :
Jessie a eu une enfance riche en baignant dans la langue et la culture dénées jusqu'à l'âge de six ans.
Jessie Sylvestre :
Enfant, j'ai grandi sur la terre. Mes parents pratiquaient le mode de vie nomade. Et donc, je ne connaissais pas l'anglais jusqu'à l'âge de six ans. Avant cela, nous vivions sur la terre et nous n'avions jamais de maison. Nous vivions essentiellement dans des tentes et notre principal moyen de transport était la rivière. Alors, nous voyagions en canot et mon père avait aussi un bateau. Enfants, on nous donnait des rôles alors que nous grandissions et nous apprenions comment nous pouvions subvenir à nos besoins en tant que Dénés, mais nous ne trouvions pas que c'était une corvée. C'était qui nous étions et ce qu'on attendait de nous. Donc, nous transportions de l'eau. Nous transportions du bois. Si mon père posait des pièges à lapins, nous étions tous là. Nous recevions tous un piège, alors nous savions comment piéger les lapins. Tout était dans la langue.
Texte à l'écran :
À l'âge de six ans, Jessie a été enlevée de force à sa famille pour fréquenter le pensionnat indien de Beauval.
Jessie Sylvestre :
Nous n'avions eu aucun contact avec les colons qui étaient arrivés et n'avions jamais entendu parler anglais jusqu'à ce que nous soyons enlevés. De nous cinq, quatre d'entre nous ont été enlevés. Je pense que c'était en 1966 ou 67, et c'est la toute première fois que nous avons entendu de l'anglais, et pour la toute première fois, c'est à ce moment-là que nous avons vu des gens non autochtones, et c'était le prêtre et la religieuse. Ils sont venus dans leur élégante voiture noire. C'est alors que j'ai appris l'anglais. Assez rapidement, j'ai appris l'anglais... J'adore lire et c'était probablement ma façon de faire face à la solitude que nous avons tous vécue dans les pensionnats parce que nos parents n'y étaient pas. Et donc c'était ma façon de gérer la solitude, c'était de m'isoler dans un coin et de lire. J'ai lu beaucoup.
Texte à l'écran :
Les connaissances et la culture dénées de Jessie ne l'ont jamais quittée.
Jessie Sylvestre :
Cette langue est également parlée dans le nord du Manitoba, autour de la région du Lac Brochet où il y a également des Dénés, et ils étaient connus sous le nom de (elle s'exprime en langue dénée). Mais parce que c'était une région anglicisée, ils l'ont appelé Lac Brochet. Donc, notre langue dénée depuis le sud-ouest du sud, ce sont les Apaches et les Navajos, ils sont tous également Dénés.
Donc, si je voyage en Arizona, je peux communiquer avec les Diné, les Navajos là-bas. Et je pourrais voyager en Alaska et communiquer avec les Diné là-bas aussi. Donc, nous avons beaucoup de noms comme je l'ai dit, les Diné, les Navajo, les Apache. Il y a les Chipewyan, il y a les Athabaskan, puis il y a les Gwich'in et les Dogrib.
Texte à l'écran :
La langue dénée doit être entendue.
Jessie Sylvestre :
Nous sommes à une époque où notre langue doit être entendue. Nous devons continuer à la parler, à la défendre, à l'écrire et à la traduire et à toujours être avec les Aînés pour établir un lien, retourner à la terre et être avec la terre. Et c'est là que se trouve l'interdépendance de ce que nous sommes en tant que peuples autochtones, en tant que peuple déné, c'est là que nous nous sentons en phase avec la terre, parce que c'est qui nous sommes. Les Aînés me le rappellent : « Jessie, tu vis dans une ville, mais sois consciente. Il faut retourner à la terre ». Et donc, je fréquente la terre et je prends part à des cérémonies et c'est parce que je n'ai pas grandi avec les cérémonies. Étant au pensionnat, il n'y avait pas de cérémonies, il n'y avait pas de plumes d'aigle, il n'y avait pas de foin d'odeur, il n'y avait pas de purification, du jamais vu avant que je commence mes études à l'université. Et puis j'ai réalisé « Oh, mon Dieu, vous savez, comme, oh là là, je suis Denee et je vis une vie non autochtone, vous savez, la façon dont je parle, la façon dont je m'habille, ce que je mange, mes pensées ». Donc, cela m'a pris de nombreuses années et je suis encore en train de désapprendre et de réapprendre qui je suis en tant que femme dénée, en tant que guerrière dénée.
Et personnellement, ce fut un cheminement difficile. Ce fut un cheminement vraiment difficile. J'ai dû réapprendre et défaire tellement de choses que cela m'a causé beaucoup de mal.
Donc, avec le cheminement de la décolonisation, comme je l'ai dit, c'est probablement l'un des cheminements les plus solitaires que je fasse. Avec où j'en suis, je ne pense pas que je ne redeviendrai jamais cette petite fille qui a été enlevée à l'âge de six ans et qui s'est conformée aux manières coloniales dans tout et qui n'a jamais appris qui je suis en tant que petite fille dénée. Et nous avons été réduits au silence. Nous n'avions pas le droit de parler et d'être entendus.
Texte à l'écran :
En juillet 2022, le pape François s'est rendu au Canada pour s'excuser au nom de l'Église catholique pour le rôle qu'il a joué dans le système des pensionnats.
En tant que membre d'une équipe d'interprètes de langue autochtone, Jessie a été invitée à traduire le discours du Pape en déné lors de l'événement en direct.
Jessie Sylvestre :
Eh bien, quand j'ai reçu le courriel d'Ottawa pour la première fois, j'étais vraiment excitée. Cela m'a vraiment excitée. Et puis j'ai pensévous savez, le pape, c'était quelque chose que je devais vraiment prendre en compte pour que je puisse pleinement comprendre le but de mon voyage à Ottawa.
Il m'a fallu de nombreuses années pour quitter l'église à cause de la culpabilité qu'ils m'ont instillée.
Et donc, j'ai parlé à quelques Aînés et ils ont dit « …ta langue sera entendue, Jess ». Les gens vont entendre ta langue au Canada. Et donc ça m'a encouragée.
Il y a des moments où je suis devenue émotive parce que je pensais aussi à mes parents, mais personnellement, pour moi-même, émotionnellement, j'ai juste eu des moments de colère du genre, comment osez-vous? Et vous n'êtes pas honnêtes. Par exemple, soyez honnêtes avec nos gens et dites la vérité. Vous ne devriez pas avoir à lire un texte pour prononcer des excuses; nos gens disent toujours que si nous voulons nous excuser, cela doit venir du cœur. Cela ne devrait pas être quelque chose que quelqu'un d'autre a écrit et que vous lisez, car il y a automatiquement une déconnexion.
Il y a eu de vrais moments d'émotion, mais il fallait s'y attendre. Et bien sûr, beaucoup d'entre nous étaient en colère quand nous étions là-bas. Mais il fallait être prudent. Et avec les encouragements de l'équipe de RCAANC là-bas, dès que vous êtes en cabine d'interprète, vous savez, mon travail consiste à traduire et à mettre de côté mes émotions de colère pour le moment.
J'ai été au pensionnat pendant dix ans de ma vie. Et donc, fondamentalement, ce que j'ai appris jusqu'à l'obtention de mon diplôme en 1978, c'était tout l'enseignement colonial occidental, et j'ai aussi appris à parler et à bien articuler en anglais. Mais en même temps, je maintenais ma langue dénée presque en silence. Et donc, quand nous faisions la traduction pour la visite du Pape, cela a rappelé de mauvais souvenirs et beaucoup d'entre eux n'étaient pas très bons, vous savez, avec les sévices qui se sont produits pendant qu'ils étaient là. Et ils étaient vénérés, les prêtres étaient vénérés comme les Saints qui n'avaient jamais fait de mal.
C'est la solitude et le sentiment d'isolement qui sont revenus quand j'ai vu tous les prêtres et le Pape, des hommes très patriarcaux et rigides. Je me sentais presque malade en les regardant. Et puis j'ai pensé, comment notre peuple peut-il encore s'agenouiller et s'incliner et permettre à ces gens de se conformer à leur façon de penser? Cela m'a mis en colère parce que je réfléchissais à quand j'étais enfant. Nous étions séparés, ma sœur et moi, Marlene, et mes frères, James et Delbert. Delbert est le plus jeune. Nous n'avions pas le droit de nous voir. Alors ces souvenirs sont revenus.
Il y aura toujours nos souvenirs. Nous avons des déclencheurs presque tous les jours. Je sais qu'on nous dit : « Continue ta vie, Jess ». Eh bien, j'ai continué ma vie, vous savez. Je sens que je suis instruite maintenant avec un baccalauréat en éducation. J'ai fait une maîtrise et je viens d'obtenir mon diplôme de doctorat. Mais les souvenirs seront toujours là. Même si vous essayez vraiment d'oublier, l'odeur d'un cigare déclenchera le souvenir d'un prêtre assis derrière un bureau où, vous savez, des agressions ont eu lieu, ce genre de choses. Les vieux meubles, l'odeur des vieux meubles, les longs rideaux, vous savez, ces retours en arrière reviennent tout le temps, tous les jours quand on entre dans des immeubles. J'ai toujours besoin de quelques secondes pour me ressaisir, mais les gens ne comprennent pas. Et donc, c'est une chose quotidienne pour beaucoup de survivants, les guerriers, ils se battent pour être qui ils sont et retrouver qui nous sommes. Et donc ces souvenirs sont revenus, vous savez, alors que nous étions assis là. Et je devais garder mon sang-froid et traduire du mieux que je pouvais. Mais quand l'équipe s'est réunie, nous sommes devenus une famille avec les 23 d'entre nous qui étions là, et avec l'équipe de RCAANC, je veux dire, nous formions une belle équipe.
Texte à l'écran :
Jessie a passé sa vie à défendre la préservation de la langue et de la culture dénées.
Jessie Sylvestre :
Je sais qu'ils ont des statistiques et nous les avons faites dans nos propres nations. À l'heure actuelle, nous ne l'avons pas complètement perdu, mais nous ne pouvons pas être trop à l'aise avec où nous en sommes. Nous devons encore encourager nos éducateurs et nos dirigeants à vraiment mettre notre langue, notre culture et nos cérémonies au premier plan. Parce que si cela n'est pas encouragé, alors nous sommes aussi en crise et nous y sommes presque.
Alors maintenant, avec les enseignements basés sur la terre qui se produisent, de nombreux enfants sont de retour sur la terre. Et je dois encourager nos éducateurs et enseignants dont les cours sont axés sur la terre à parler la langue là-bas et à faire participer les enfants aux chasses et à les laisser faire le dépeçage, le nettoyage et ce qui doit être fait pour être ramené à la maison.
Nous devons vraiment rassembler nos esprits collectivement et élaborer des stratégies en termes de moyens par lesquels nous pouvons aider à revitaliser nos langues autochtones et notre langue denesoline.
J'encouragerais vraiment à ce que les langues dénées soient parlées dans les écoles, dans les lieux de travail, dans les magasins, au bureau de la bande, dans la langue. Les réunions devant se dérouler dans la langue, nos radios devant faire parler les langues à tout moment.
Nous devons vraiment défendre qui nous sommes avec les langues et vraiment nous battre pour cela et faire ce que nous pouvons pour réveiller ce qui a été mis au repos.
Texte à l'écran :
« Quand on parle dans notre langue, ça a un esprit et c'est sacré. Alors, ça prend vie. »
Mot-symbole Canada